Portrait de pro : Marie-Claude Bélier

Emploi

"Ce métier hybride devrait évoluer au même rythme qu'Internet"


Marie-Claude Bélier est chargée de mission en référencement naturel. Elle s'occupe de référencement naturel chez CDiscount, un important site français de e-commerce. Elle nous détaille son activité et sa vision d'une profession en plein développement.

 

Quelles sont vos fonctions au sein du site marchand CDiscount ?

Mon travail consiste à optimiser les pages du site et son contenu pour améliorer sa visibilité sur les moteurs de recherche. Nous travaillons de manière transversale sur l'ensemble du site, mais plus particulièrement par zones de contenu, par magasins. Par exemple, nous pouvons être amenés à travailler sur la thématique de la Saint-Valentin au travers d'une ou plusieurs pages spécifiques. En revanche, si l'on travaille sur la visibilité globale du site au travers d'un terme générique comme « achat » ou « achat discount » nous ferons en sorte d'optimiser l'ensemble des éléments du site, HTML et images, dans cette optique.
 

Vous travaillez en équipe ?

Oui, nous sommes une équipe avec des profils assez variés. Certaines personnes sont plutôt des webmasters, d'autres proviennent du marketing et nous comptons enfin des rédacteurs web. Notre pôle est scindé en deux : avec d'un côté le référencement naturel et de l'autre le référencement payant, chargé de l'achat de mots-clés et de la gestion de la relation avec les comparateurs de prix. Nous travaillons régulièrement ensemble sur certaines opérations, car même pour l'achat de mots-clés, la pertinence des pages est fondamentale.
 

Vous utilisez des outils spécifiques ?

Nous utilisons des outils assez standard d'aide au webmastering. Nous nous appuyons sur des techniques de web analytics (analyse de la fréquentation, NDLR). Le référencement naturel est rattaché au département marketing donc notre travail s'inscrit dans une démarche de performance commerciale. La visibilité doit générer du chiffre d'affaire et nos outils analysent donc l'évolution du trafic, du taux de transformation. Nous analysons également la densité de contenu sur certaines pages, la performance de certains mots-clés ou du site dans sa globalité. Avec cette préoccupation constante : notre site est-il bien crawlé et indexé par les moteurs ?
 

Quel a été votre parcours professionnel ?

J'ai fait des études en sciences de l'information. Je me destinais plutôt à travailler dans le domaine de l'image et des musées. Très rapidement, après avoir travaillé en médiathèque, j'ai été recruté par Nomade.fr, un annuaire web. Ça a été le vrai début de mon parcours professionnel, complètement orienté sur l'indexation des contenus web. J'ai quitté les coulisses pour la scène en passant d'un outil de recherche à un site web. Mais j'ai toujours travaillé sur l'indexation et la pertinence des contenus. On retrouve d'ailleurs globalement les mêmes techniques, bien qu'on ait changé d'échelle. Chez Nomade, je devais analyser des sites de façon « macro » pour en retirer une poignée de mots-clés ; aujourd'hui je travaille plutôt page par page ou à l'échelle de projets et nous optimisons finement nos contenus afin qu'ils soient le mieux lus par les moteurs de recherche.
 

On retrouve certaines fonctions documentaires dans votre activité...

Oui toujours. Il y a clairement une dimension documentaire sous plusieurs aspects, comme l'analyse du contenu et l'extraction de mots-clés. C'est la base de notre travail, avec des techniques et des outils différents pour l'extraction. Nous recourons également à l'analyse sémantique. Depuis que j'ai commencé dans la documentation, j'emploie finalement la même méthodologie d'analyse. Avec des contenus qui ont beaucoup changé. Je peux passer en une journée de l'automobile à la lingerie, ou l'assurance maison, mais j'adopte la même méthodologie. Nous devons nourrir autant les moteurs de recherche que les internautes. Je travaille toujours sur la pertinence, mais avec une dimension concurrentielle supplémentaire. On pourrait parler de « sur-pondération », même si la pertinence reste la clé d'un bon référencement par les moteurs. Nous sommes sur un marché tellement encombré, les biens de consommation, qu'il faut proposer des contenus de qualité pour pouvoir prétendre être pertinent. Le vecteur technique nous permet néanmoins de « booster » la performance d'une page, ce qui n'est pas forcément un usage habituel dans le monde documentaire.

L'automatisation est aussi au cœur des problématiques techniques et stratégiques de référencement. Un site web est une immense base de données en mouvement qu'il faut contrôler et gérer. Les milliers de pages ne peuvent pas toutes être optimisées manuellement, il faut donc proposer des outils ou techniques permettant d'effectuer des tâches d'indexation automatisées.
 

Quelles sont les qualités essentielles pour ce métier ?

Il faut être réactif et s'adapter très vite aux univers de la grande consommation, qui bougent beaucoup. Même si je ne suis pas fan des GPS et des iPods, je dois pouvoir traiter de ces sujets avec la même qualité que sur un thème qui me serait plus familier. La pression de la concurrence est également une particularité du métier ; mais c'est en même temps une pression stimulante. Nous ressentons rapidement les résultats de notre travail.
 

Quel est votre sentiment sur la profession dans sa globalité ?

J'ai déjà l'impression d'appartenir à une génération particulière de référenceurs, issus des sciences de l'information. Aujourd'hui, le métier a une dimension beaucoup plus webmarketing, avec des profils plus orientés vers le commerce. On constate également une très forte demande d'expertise en terme de web analytics. Dans le même temps, les sites qui ne privilégient pas le contenu rédactionnel se passent volontiers des référenceurs et de leur démarche intellectuelle d'indexation pour déléguer l'analyse au système d'information ou au CMS (Content Management System, Système de gestion de contenus). Cela dépend en grande partie de la stratégie du site et de ses possibilités techniques.

Le référenceur présentait jusqu'alors un profil atypique sans formation dédiée. Les professionnels étaient des gens formés sur le tas issus soit du monde l'information, soit de l'internet, soit du marketing. Des profils donc hybrides qui ont évolué dans le milieu en apprenant plusieurs métiers.

Mais il existe depuis peu une formation spécifique de référenceur à l'IUT de Strasbourg, dont le parrain est Olivier Andrieu.
La profession est relativement structurée avec des associations pour faciliter l'échange d'informations, débattre de questions éthiques. La plus importante est SEO Camp (Search Engine Optimization).

Beaucoup de communautés se sont formées sur les réseaux sociaux, peut-être plus particulièrement à l'international. Depuis quelques temps, on voit enfin apparaître des réunions entre professionnels, les SEO campus, dans plusieurs villes de France.

En formation continue, l'offre n'est malheureusement pas encore très pointue, c'est encore pour une grande part le B.A.BA qui y est enseigné.
 

Le métier est donc en développement...

Oui, ce métier hybride, à cheval entre plusieurs univers, devrait évoluer au même rythme qu'Internet. Les types de contenus se multiplient, les supports de recherche également, avec le mobile par exemple. Je commence à travailler sur la vidéo à la demande, les réseaux sociaux... Le métier évolue avec les médias.
 


Rédigé par Olivier ROUMIEUX
Publication le 24 février 2010 - Mise à jour le 12 mars 2010