Portrait d'adhérente : Delphine Fournier

Emploi

"Le records management n'est pas quelque chose que l'on peut faire 'en plus du reste', c'est un métier à part entière."
 

Delphine Fournier occupe les fonctions de records manager au Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Elle appartient au service Archives rattaché à la Direction des systèmes d'information. Titulaire d'un DESS en archivistique, elle a été archiviste dans un ministère, puis consultante pendant une quinzaine d'années avant d'intégrer le CEA. Elle intervient dans plusieurs formations en information-documentation.
 

Comment présenteriez-vous votre métier ?

Le records manager gère tous les documents qui se trouvent à mi-chemin entre les documents vivants et ceux qui, à un moment donné, appartiendront aux archives historiques. Ce moment est celui à partir duquel le document n'est plus utile pour un organisme et où il n'a plus qu'une valeur patrimoniale.

Ce métier est défini par une norme. Des Australiens ont proposé un projet en 1997 et la norme ISO 15489 a été publiée en 2002.
 

Records manager est une appellation peu courante en France. Le métier est-il mieux reconnu dans d'autres pays ?

Dans les pays anglo-saxons, les archives historiques sont confiées aux archivistes et les records, c'est-à-dire les archives courantes et intermédiaires, sont prises en charge par des records managers.

En France, on n'a créé des formations de records manager que très récemment. Ce sont généralement des archivistes qui occupent de telles fonctions et qui, bien souvent, font du records management sans le savoir. C'est un métier paradoxal, car bien que récent sous cette appellation, il nécessite de maîtriser la plupart des techniques du métier des archives, qui existe depuis longtemps.

Les archivistes ont intérêt à revendiquer l'appellation de "records manager". Être reconnu comme tel permet aussi de pallier la connotation péjorative qui reste associée encore trop souvent au terme d'archives.
 

Quelle est la position d'un records manager dans une entreprise ?

Si l'on reprend le texte de la norme, il doit occuper une fonction importante, auprès du Directeur général, puisqu'il est chargé de donner des directives qui permettent "d'empaqueter" toute la vie de l'entreprise. Il supervise toute la gestion des documents d'une organisation. Mais sur le terrain en France, on constate qu'il n'a pas vraiment ce pouvoir. Cela est-il d'ailleurs souhaitable ?
 

Vous-même, avez-vous été recrutée pour occuper les fonctions de records manager ?

J'ai été recrutée en tant qu'archiviste et je travaille dans un service d'archives. Mais je me consacre uniquement aux documents créés dans le cadre d'une activité de production interne, et en amont de leur entrée au service d'archives.
 

Pouvez-vous nous décrire votre activité au quotidien ?

Avec d'autres records managers, j'analyse l'ensemble des activités de l'entreprise, j'organise la typologie documentaire en fonction du plan de classement de ces activités et j'y attache des règles de gestion. J'aide aussi les services producteurs à intégrer plan de classement et règles de gestion dans leurs outils de GED.

Contrairement à ce que l'on imagine, le records management, c'est encore beaucoup de papier. Non seulement parce que l'on produit encore beaucoup de papier mais aussi parce qu'il faut traiter les "arriérés" d'archives : ces archives orphelines peuvent contenir des documents vitaux et il est important de ne pas les négliger.
 

Vous appartenez à l'un des groupes de travail ADBS/AAF sur le Records Management. Que vous a-t-il apporté ?

Au sein du groupe de travail chargé d'établir une grille d'analyse des logiciels de RM, j'ai pu prendre le temps nécessaire pour décrypter la norme, l'analyser, pointer ses contradictions.
 

Comment vous situez-vous par rapport au documentaliste ?

Le documentaliste s'attache au contenu des documents. Il vérifie la pertinence d'une information et la restitue le plus rapidement possible à des utilisateurs. Ce n'est pas la préoccupation première d'un records manager qui s'attache à la préservation du document utile, qui en facilite l'accès si ce dernier devait être nécessaire, et qui se préoccupe beaucoup de détruire les documents inutiles.

On constate néanmoins que, lors d'un recrutement, les tâches de records management peuvent être confiées à un documentaliste. Les documentalistes doivent avoir conscience de l'ampleur des tâches que recouvre le records management et disposer ainsi d'armes pour négocier des moyens spécifiques. Le records management n'est pas quelque chose que l'on peut faire "en plus du reste", c'est un métier à part entière.
 


© L'Oeil de l'ADBS, M. B., fév. 2006

Rédigé par ADBS
Publication le 22 février 2006 - Mise à jour le 14 octobre 2008