Portait de pro : Anne Marbot

Emploi

Anne Marbot, responsable de la documentation au Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux

Après des études en linguistique et en histoire à Liège, un séjour de quatre ans dans les années soixante-dix aux États-Unis, notamment en Louisiane comme enseignante, Anne Marbot est arrivée en France. Elle y a suivi une formation en informatique documentaire, puis intégré le CNRS où elle a géré pendant plusieurs années une base de données destinée aux collectivités locales. Depuis 1989, elle occupe un poste de responsable au CIVB.
 

Enseigner était votre premier projet. Comment avez-vous glissé vers la documentation ?

Pas glissé... mais s'adapter et accepter d'autres opportunités de travail. Par ailleurs, la documentation est étroitement liée à l'enseignement : l'une alimente l'autre. Le challenge est commun : acquisition, diffusion ou transfert des connaissances. Pour les deux, un préalable : le goût du contact et une curiosité intellectuelle.

Les expériences et études menées à l'étranger et en France ont certainement contribué à une vision élargie de l'information dans une approche pluridisciplinaire et culturelle. L'histoire telle qu'on me l'avait enseignée n'était pas événementielle mais transversale dans le temps et l'espace. Il fallait mettre en place une méthodologie : expliquer, relativiser, comprendre, sélectionner des informations et affiner son sens critique à partir des documents qui nous étaient soumis. Cela a été mon premier déclic et c'est ce qui explique en partie mon itinéraire ultérieur.
 

Pourquoi vous rendre aux États-Unis ?

Dans les années soixante-dix, beaucoup de nouveautés nous parvenaient des États-Unis : les amis, la musique, l'espace... et les grands maîtres de la linguistique comme Chomsky, par exemple. J'étais intéressée à l'époque par les sciences cognitives et les expériences en psychopédagogie : j'ai voulu découvrir sur place ce continent, d'abord comme boursière du Rotary Club dans le Michigan, ensuite comme professeur de français dans une école expérimentale à l'Université de Louisiane du Sud. Je garde un merveilleux souvenir de ces années riches d'expériences, de rencontres, difficiles aussi car rien n'est acquis pour le développement du français outre-Atlantique, mais qui m'ont permis de communiquer sur l'art de vivre et, déjà à l'époque, sur les vins de Bordeaux.

Dans notre secteur, j'ai pu mesurer l'importance des "ressource center" dans les centres de formation américains : beaucoup de professionnalisme et de moyens en général.
 

Mais vous êtes en France depuis plusieurs années...

Je suis arrivée en France en 1979 en Corrèze pour des raisons familiales mais je me suis heurtée au problème de l'équivalence des diplômes pour enseigner. À une époque où l'informatique appliquée à la documentation débutait, j'ai décidé de faire une année spéciale en IUT et lorsque j'ai appris, par hasard, qu'on avait créé un poste CNRS dans un centre de recherche sur la vie locale à l'Institut d'études politiques (IEP) de Bordeaux pour animer un réseau de chercheurs et alimenter une base de données, j'ai réagi immédiatement et j'ai été engagée.
 

De quelle base de données s'agissait-il ?

Cette base de données de littérature grise sur l'information des collectivités locales pour la France entière était hébergée par Télésystème et disponible sur minitel. Travailler en réseau avec des institutionnels, des chercheurs et des informaticiens était réellement passionnant. J'ai occupé ce poste jusqu'en 1989.
 

C'est à ce moment-là que vous êtes entrée au CIVB...

Oui, et le vin est un produit formidable, pluridisciplinaire et universel. D'emblée, le service s'est positionné comme un "centre de ressources documentaires et humaines". Je devais organiser un fonds documentaire commun à tous les services dans le cadre des missions du CIVB qui touchent l'économie, la technique, la recherche et le marketing.

Chaque service est un vivier de compétences qui publie régulièrement des informations destinées aux professionnels du vin. Nous étions chargés de les diffuser ou de répondre aux demandes des professionnels sur le modèle du service "SVP" qui fournit des informations sur mesure, un véritable service B2B où nous sommes souvent amenés à réorienter les clients vers les spécialistes ou les autorités compétentes.
 

Pour ceci, il faut un bon réseau.

L'objectif était d'identifier qui fait quoi dans la filière Vin au niveau local, national, voire international à la fois sur le produit mais également sur son environnement.

Pour réaliser ma veille, je m'appuie sur de nombreux apports extérieurs, qu'il s'agisse d'organismes ou de personnes ressources appartenant à plusieurs autres disciplines (viticulture, oenologie, réglementation, santé... et histoire).

C'est ainsi qu'est né le réseau Vinidoc. Dans ce cadre, on a réalisé un répertoire de la filière Vin dans lequel chacun rappelle son statut, ses missions et donne les contacts directs susceptibles de répondre immédiatement aux questions rencontrées sur le terrain : formalités ou certificats à remplir, approche par pays. Le réseau se réunit une fois par trimestre pour faire le point sur l'actualité réglementaire, les dernières publications ou celles qui peuvent être mutualisées ou encore sur des thématiques relatives à l'utilisation d'Internet.

Plusieurs documents ont été rédigés en commun, avec les services des douanes, la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, les chambres d'agriculture, les services du commerce extérieur. De nombreuses questions trouvent ainsi leur réponse dans ces supports.

Aujourd'hui, toutes les publications et ressources documentaires du CIVB sont en ligne sur un extranet réservé aux adhérents. Quant aux informations sur les vins de Bordeaux, elles sont en libre accès sur www.bordeaux.com.
 

Le travail en amont est sans nul doute fondamental

Oui, et c'est ce dont je ne me lasse pas. Il faut souvent "débroussailler" et cadrer la question pour répondre le plus rapidement possible en direct ou réorienter avec discernement en interne ou vers l'extérieur, renouveler et concevoir des supports, animer le réseau de personnes contacts et les sensibiliser à la qualité, suivre les évolutions des nouvelles technologies, réécrire pour mieux communiquer et surtout jouer avec les clés virtuelles qui se recomposent en permanence.
 

enlightenedLe CIVB

Le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) est un "établissement privé d'intérêt public" créé par la loi du 18 août 1949. Il est placé sous la tutelle des ministères de l'Agriculture et des Finances et soumis au contrôle économique de l'État.

Il rassemble les viticulteurs, les négociants et les courtiers pour aborder ensemble les questions qui leur sont communes : garantir aux consommateurs la qualité des AOC ; procéder à toutes les études nécessaires pour la gestion économique du produit ainsi que l'analyse des marchés ; développer, tant en France qu'à l'étranger, la promotion des vins de Bordeaux.

Quelques chiffres : 123 000 ha de surface, 6,5 millions d'hl en production dont 89% en vins rouges et 11% en blancs. 10 000 exploitations, 50 caves coopératives, 400 maisons de négoce et un peu plus de 100 bureaux de courtage. La commercialisation se répartit entre le marché français (70%) et l'exportation.

 


© L'Oeil de l'ADBS, M. B., juill.-août 2007

Rédigé par ADBS
Publication le 22 juillet 2007 - Mise à jour le 14 octobre 2008